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J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect
D. V. M. I
le sujet le plus dévoué
Parrot.
135. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Dorpat], 20 juin 1808
Sire!
J’ai pris la liberté d’envoyer en avril par le canal ordinaire à V. M. I. le compte des frais qu’ont causés les préparatifs pour le séminaire que devait s’établir en Livonie à la terre de Weissensee; ces frais se montent à la somme modique de 2052 R. 50 cop. que j’ai encore rabaissés à 1500 Roubles. J’avais supplié V. M. I. de me faire délivrer cette somme de même que les 100 Roubles que j’ai déboursés par Votre ordre pour le prix annuel de Chimie que Vous avez daigné accorder au Professeur Grindel dont j’ai pris la liberté de Vous envoyer la quittance.
Quelles que soient les intentions ultérieures de V. M. I. je ne puis croire que Vous vouliez, Sire, me laisser dans le double embarras de passer pour avoir abusé de la réputation de confiance dont V. M. I. a daigné si souvent m’honorer et de payer de mes modiques moyens ces deux sommes. Je dois supposer que V. M. I. a oublié cet objet naturellement si peu important pour Elle, et c’est ce qui m’enhardit à Vous le rappeler.
<Fondé sur la connaissance intime que j’ai de la justice de V. M. I. j’ai donné parole à l’entrepreneur du séminaire de lui procurer le remboursement de ses frais; je lui ai donné cette parole depuis le mois de Décembre et jusqu’à présent je n’ai pu la lui tenir, et cette impuissance me compromet d’une manière doublement désagréable1.> Daignez, Sire, me faire la grâce de me tirer de cette situation embarrassante. Je souffre d’ailleurs à tant d’autres égards.
J’ai l’honneur d’être avec la plus profonde dévotion
D. V. M. I
le très humble et très obéissant serviteur et sujet
Parrot.
136. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Dorpat], 28 juin 1808
Sire!
Mon cœur ne peut plus se contenir; il est trop plein; il faut qu’il s’épanche encore une fois dans le Vôtre. Je vois à Votre silence que Vous m’en avez ôté le droit sans que j’en connaisse la raison; mais je ne puis Vous taire la vérité, et à mon dernier soupir je me reprocherais ma lâcheté. Je Vous dois à Vous-même de mendier de Votre cœur le souvenir de ses anciennes affaires; oui je mendie un reste de cette confiance, de ce sentiment unique que Vous aviez pour moi; si jamais je l’ai mérité je le mérite encore; tout mon intérieur m’en donne le témoignage.
Il s’agit de l’existence de l’Université de Dorpat. Elle a été accusée par son ennemi reconnu; et sans l’entendre Vous l’avez condamnée. Le public sait déjà que Vous avez annulé un des points importants de nos Statuts, que Vous avez soumis les professeurs à des déférences humiliantes envers le gouvernement de la province; nos détracteurs triomphent et calculent déjà notre ruine totale. Vous ignorez les suites funestes de cet ordre que Vous avez donné par le Ministre de l’intérieur, parce qu’on Vous a caché le vrai rapport des faits à ces ordres. L’Université envoie une réclamation à notre Ministre; j’ignore si le vieillard osera Vous la présenter; daignez la lui demander, s’il ne Vous la donne pas.
Votre ordre porte que les étudiants surpris en contravention soient menés au corps de garde et détenus jusqu’à ce que Vous ayez Vous-même prononcé sur leur sort. Le § 36 des Statuts pour la discipline des étudiants porte qu’ils doivent être livrés incessamment au Recteur. Croyez-Vous, Sire! qu’il soit de l’intérêt d’une administration ferme et juste qu’un simple ordre verbal donné sur une simple délation à un Ministre d’un autre département, puisse annuler une loi formelle? Pensez-Vous que la noblesse qui nous fournit le plus grand nombre de nos étudiants voudra exposer ses fils pendant des semaines ou des mois entiers aux mauvais traitements et aux mauvaises mœurs des corps de garde? Sire! Ne comparez pas cette arrestation à celle d’un officier; l’officier est respecté par le soldat, mais l’étudiant pas. Vous connaissez la nature humaine, Vous ne pouvez pas ignorer avec quelle facilité, avec quel plaisir on abuse du pouvoir. Et si un jeune homme arrêté est maltraité (nous avons des preuves qu’on a frappé des étudiants innocents dans le peu d’instants nécessaires pour les livrer au Recteur) qui Vous en instruira? L’autorité du Recteur ne s’étend pas au corps de garde; il ne peut même s’instruire de la manière dont l’étudiant y est traité; et quand Vous lui donneriez le droit de s’en instruire, où sont les moyens de Vous fournir les preuves?
Sire! remontez à la vraie source. Ressouvenez-Vous que l’Université, dès le moment que Vous l’avez protégée, avant qu’elle ait pu même commettre une faute, a eu des ennemis acharnés. Vous me l’avez dit Vous-même la 1re fois que j’ai eu le bonheur de Vous voir. On craint l’esprit public, suite nécessaire des travaux d’une vraie université. Avez-Vous pu Vous persuader que c’est par devoir, par conscience qu’on Vous fatigue du récit de quelques désordres commis par des jeunes gens? Vous savez quels désordres affreux règnent dans toutes les parties de l’administration; Votre cœur en gémit; l’Empire a été à deux doigts de sa perte pour ces désordres, et les autorités se taisaient et se taisent encore, et personne ne veut Vous éclairer, personne ne veut Vous aider à y remédier. Mais les polissonneries de quelques étudiants sont des crimes d’État contre lesquels il faut armer le pouvoir souverain!
On Vous a tellement indisposé contre l’Université que Vous n’avez pas même ménagé les professeurs. Sire! Vous souffrirez, j’en suis sûr, quand Vous saurez pour quelle raison on Vous a engagé à avilir un caractère de professeur si estimé partout ailleurs et qu’il est si nécessaire d’élever pour réaliser Vos idées sur l’éducation de la nation. Le