litbaza книги онлайнРазная литератураКафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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de suppléer à l’imagination plus exercée des généraux français. Faites jeter sur toutes les cartes militaires un filet de carrés dont les distances de 5, 10 ou 20 Werstes seraient proportionnées à l’échelle de la carte. Je suppose que les objets physiques, tels que rivières, montagnes, marais, bois etc. y sont exactement notés. D’un coup d’œil le commandant mesure ses distances au moyen du filet et apprécie le temps nécessaire aux marches par la nature du terrain. Les télégraphes augmenteront la célérité des opérations. – Si Vous ne pouvez mettre que 300 000 hommes effectifs sur pied, partagez-les dans les mêmes proportions. Formez une réserve de 60 000 recrues placée et exercée comme je Vous le proposais lors des milices. Vouez tous Vos moyens à l’établissement de l’armée et à son entretien. Simplifiez la régie en grossissant les régiments. Dans les plus beaux temps de la tactique romaine les légions étaient de 5 mille hommes et cependant l’art militaire des anciens était bien plus simple que le nôtre. De grands régiments offrent plus d’ensemble et il est plus facile au besoin de partager un régiment pour deux opérations que d’en réunir deux pour une seule. Les minuties du petit exercice sont les seules raisons qui font rapetisser les régiments et multiplier les officiers. Vous savez Vous-même que ces minuties sont inutiles à la guerre, coûteuses à Vos finances, décourageantes pour le soldat. Réduisez l’armée aux deux tiers de nombre des régiments et employez les officiers de reste à former les recrues.

* * *

Telles sont mes idées concernant les mesures politiques et militaires à prendre en cas de guerre avec la France. Mais supposé qu’elles soient prises, ce n’est pas le tout; Vous devez jeter un coup d’œil sur l’intérieur, un coup d’œil bien profond. En allant en avant assurez-Vous sur les derrières. Napoléon, s’il veut la guerre, la voudra à toute outrance, décisive; il voudra se réhabiliter de la guerre d’Espagne qui ne répond pas à sa gloire militaire. Il cherchera à Vous affaiblir en révolutionnant la Russie et trouvera dans son mode ordinaire de grands appas. Pour Vous rassurer là-dessus il faut une mesure qui, d’un côté ressere l’ensemble de Vos provinces et donne du nerf au Gouvernement pendant Votre absence, d’un autre côté prouve à Napoléon qu’en cas même qu’il réussit à Vous brouiller avec Vos sujets il n’en tirerait aucun parti. – Vous Vous étonnerez de la mesure que je vais Vous proposer. Mais après l’avoir bien approfondie Vous sentirez que c’est la seule à prendre. – Cette mesure est, au moment de Votre départ pour l’armée, de déclarer l’Impératrice Elisabeth régente pour tout le temps de Votre absence. Que cette déclaration vienne inopinément, qu’elle soit jusqu’alors un secret impénétrable à tout mortel. Vous pouvez compter sur mon silence.

Examinons à présent cette mesure de près. L’Impératrice est un être moral rare. Vous pouvez compter sur son attachement. Elle est trop peu femme pour se ressouvenir de Vos torts de mari, ou pour céder à des idées inspirées par une vanité qu’Elle n’a pas. Par contre Elle aura l’ambition de Vous inspirer de la reconnaissance. Elle a un grand esprit, un coup d’œil juste, et sera par conséquent bientôt orientée; qu’Elle le soit par Vous; commencez d’abord cet ouvrage, consacrez y Vos soirées. Elle est femme, elle est infiniment respectée; les Russes applaudiront à cette grande mesure; les Grands y trouveront une nouvelle occupation pour leur ambition; l’impératrice devinera en femme les projets malfaisants qui pourraient avoir lieu et les déjouera en homme. Vous d’un autre côté aurez un avantage personnel bien précieux, celui de ne devoir Vous occuper que de la guerre, d’être débarrassé non seulement du travail de l’administration intérieure mais aussi des sujets qui y ont la première part après Vous et qui ont leurs alliés à l’armée; Vous aurez la moitié moins de cabales. En outre Vous paraîtrez à Votre nation dans ce grand moment sous le seul point de vue de son défenseur, et cette belle lueur dispersera bien des nuages que Vous savez exister entre Vous et elle. Chargez-moi du Manifeste; je saurai travailler les Russes. Estimez pour beaucoup l’opinion publique; rarement on la brave avec succès et c’est surtout dans ces moments décisifs qu’elle se prouve d’une manière salutaire ou terrible.

Cette proposition Vous dévoile mon secret que j’ai porté dans mon cœur depuis la paix de Tilsit, dont j’ai eu des pressentiments depuis que je Vous connais, depuis que je Vous aime. Souvenez-Vous du désir que j’ai toujours eu d’approcher l’Impératrice. D’abord c’était intérêt pour Elle et pour Vous comme femme et mari. <Je souffrais de Vous voir éloignés l’un de l’autre, Vous qui devriez et pourriez ne former qu’une âme.> Puis ç’a été par intérêt pour l’État que je Vous avoue n’aimer que dans Votre personne, par intérêt pour l’humanité dont je voudrais Vous voir le défenseur. Le voyage de l’Impératrice m’a rapproché d’Elle; j’ai senti à Dorpat l’ascendant qu’Elle saura prendre <et Vous pouvez croire que si Elle a su me subjuguer elle viendra à bout des Grands>; je l’ai éprouvé depuis à Pétersbourg où je m’étais mis en position d’y résister; et j’ai senti profondément que son cœur va de pair avec son esprit. Jusqu’à présent Vous n’avez disposé ni de l’un ni de l’autre. Aujourd’hui le moment de le faire est venu; Votre intérêt personnel, Vos devoirs de Monarque Vous y invitent, et Votre cœur Vous y mènera sûrement.

Je crois Vous connaître assez pour ne pas craindre de Votre part le soupçon. Non, je n’ai pas levé le moindre coin du voile que je déchire en ce moment pour Vous. Vous savez d’ailleurs que, même si j’eusse pu concevoir le projet insensé de me découvrir, l’Impératrice est trop peu communicative pour permettre les moindres approches. Cette idée est en Vos mains seules; c’est Votre propriété exclusive. Usez-en.

Je fais une espèce de testament. Je ne Vous reverrai peut-être que sur le champ de bataille, et je ne Vous écrirai plus sur cet objet. Je dois donc Vous dire

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