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Adieu, mon Bien-Aimé!
Votre Parrot
188. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 13 mars 1812]1
Je suis d’accord.
189. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 16 mars 1812]1
C’est enfin aujourd’hui que je puis vous recevoir à 8 heures du soir.
Tout a vous.
[Paraphe]
190. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg, 17 mars 1812]
Dimanche soir 1
Il est onze heures, un silence profond règne autour de moi. Je veux écrire à mon Bien-Aimé, à cet être chéri dont je ne voudrais jamais me séparer. Vingt quatre heures se sont écoulées depuis le moment de mes derniers adieux2. Je les ai passées en activité pour pouvoir Vous répondre. Je vais à présent m’entretenir avec Vous sur ce qui peut Vous intéresser le plus. J’étais heureux dans le moment de nos adieux malgré la douleur de la séparation; je sentais renaître la paix dans mon cœur et le Vôtre, cette paix heureuse de dix ans qu’un nuage avait obscurcie. Mon Alexandre! Nous avons besoin de cette paix, tous deux. O! Combien l’homme est au-dessus du Monarque! Combien Votre cœur Vous élève au-dessus de la fortune! Quelque malheureux que Votre règne puisse être sous les auspices terribles qui le dominent en ce moment, la postérité Vous révérera; je lui ferai connaître mon Alexandre.
Recevez dans ce moment décisif quelques conseils, la quintessence de mes réflexions sur Votre position actuelle. Cette position, mon amour pour Vous, le point de vue sur lequel je me trouve placé – tout m’en fait un devoir sacré. Je commence par Spéransky comme Vous le désirez. De reste je ne m’astreindrai à aucune règle. C’est pour Vous seul que j’écris; c’est l’effusion de mon cœur. Vous me comprendrez.
Lorsque Vous m’aviez confié Votre douleur amère sur la trahison de Spéransky Vous étiez passionné3. J’espère qu’à présent Vous ne songerez plus à le faire fusiller. J’avoue que les faits que Vous m’avez allégués le chargent fortement. Mais Vous n’êtes pas dans la situation d’âme nécessaire pour juger de leur vérité, et quand Vous le seriez, ce ne serait pas à Vous à le juger, et une commission nommée à la hâte pour le faire ne sera composée que de ses ennemis. N’oubliez pas qu’il est haï, parce que Vous l’aviez placé trop haut. Personne ne doit être au-dessus des ministres que Vous-même. Ne croyez pas que je veuille le protéger; je ne suis en aucune relation avec lui; je sais même qu’il n’est pas sans jalousie à mon égard et ce que Vous m’avez dit autrefois de son caractère ne m’a pas suggéré l’envie de me rapprocher de lui.
Mais supposant qu’il soit coupable, ce qui ne me paraît pas encore avéré, c’est un tribunal légitime qui doit le juger, et Vous n’avez ni le temps de faire la chose, ni le calme nécessaire pour choisir ce tribunal. Mon avis est qu’il soit éloigné de Pétersbourg et si bien surveillé qu’il ne puisse entretenir aucune communication avec l’ennemi. Après la campagne nommez ses juges parmi ce qu’il y a de plus intègre en hommes à Votre portée. J’ai encore une raison pour douter que Spéransky soit aussi coupable qu’il le paraît, c’est que Rosenkampff est au nombre de ses délateurs, cet homme vil qui a essayé à faire tomber son bienfaiteur Novossilzoff et dont je déjouai alors la cabale, sans Vous l’avoir dit. Faites voir par la modération de Vos mesures que Vous ne donnez pas dans les idées outrées qu’on veut Vous suggérer et éloignez Rosenkampff des affaires le plus tôt possible.
Vous Vous trompez sur le compte de Beck. Il a ses défauts, qui sont saillants, mais sûrement pas celui de manquer de fidélité. J’ai récapitulé tout ce que je sais de sa vie. Si Vous ne me croyez pas en ce moment, Vous me croirez à la suite; Vous verrez les accusations se fondre aux rayons de la vérité. Craignez de regretter un jour de l’avoir méconnu.
Je ne vois personne pour remplacer Spéransky que le Comte Kotschubey. N’hésitez pas quoique Vous ne soyez tout à fait content de lui. En tout cas l’homme loyal fera honneur à Votre choix.
À présent quelques mots sur Vous-même.
Votre éducation, le règne de Votre Père, Votre propre règne et surtout le caractère de Vos Grands ont dû Vous rendre soupçonneux. Un ange le serait devenu à Votre place. Ce secret ne peut en être un pour quiconque a de l’intérêt à Vous observer et il est devenu un des grands moyens par lesquels on agit sur Vous. Ne m’objectez pas de fréquents moments de confiance, moins encore nos relations. C’est la nature qui se réveille en Vous, qui perce la cuirasse que la malheureuse, la désolante expérience a ceinte autour de Votre cœur. Résistez à ce funeste penchant que la coutume et la perversité des hommes veulent Vous donner. Ne soyez que prudent; on travaille sûrement ce penchant dans l’affaire de Spéransky et l’on ne cessera de le faire pour s’emparer de Vous.
Je Vous rappelle Barklay dont le défaut est la timidité, non en présence de l’ennemi qui sait bien le contraire, mais vis-à-vis de Vous. En entrant en campagne Vous devez la faire disparaître. Traitez-le en ami; Vous doublez par là son génie dont cette timidité arrête l’effort; qu’il sache bien sûrement qu’aucun revers, qu’aucune faute même ne peut lui faire perdre Votre confiance; qu’il sente sa supériorité sur Arackchejew auprès de Vous comme il doit la sentir en militaire. Dès la campagne de Pologne j’ai tâché de