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Et cependant ces deux instituts importants sont rongés par un ver intestin qui les mine sourdement, absorbe leurs plus nobles forces, leur laissant toutefois l’apparence de santé et de vigueur.
Ce ver intestin, cette étisie cachée, c’est le pédantisme des formes poussé jusqu’à un excès incoyable, qui multiplie à l’infini le nombre des affaires et change insensiblement une société de savants en une chancellerie.
L’Université de Dorpat est un institut qui a en petit presque toutes les branches d’administration d’un État à gérer, la juridiction civile sur tous ses membres, la police sur les étudiants, la gestion de ses finances, l’administration intérieure, les relations avec d’autres corps administratifs, la censure des livres et enfin la direction des écoles, direction qui comprend à elle seule presque toutes ces branches d’administration. Enfin le premier devoir des professeurs est de lire leurs collèges, s’y préparer, étudier les progrès de la littérature, chacun dans sa partie, en outre illustrer l’Université et étendre le domaine de la science par leurs ouvrages.
Dans tout autre département chacun de ces objets d’administration a pour chaque province son collège à part qui s’occupe exclusivement de cet objet. Les professeurs par contre doivent donner leurs soins à toutes ces affaires et en outre être hommes de lettres; et l’on exige aujourd’hui qu’ils remplissent toutes ces tâches avec la même prolixité, avec le même pédantisme des formes, avec la même profusion de papiers, avec laquelle chaque autre collège n’en remplit qu’une seule. Pendant les 12 premières années de l’existence de l’Université de Dorpat le Gouvernement n’a pas songé à cette prétention, et à juste titre; car si le même esprit de minuties avait présidé à l’établissement de l’Université et des écoles de l’arrondissement de Dorpat, l’organisation de ces instituts importants ne serait peut-être pas encore achevée, et l’on se demande avec étonnement pourquoi la direction de ces instituts exige trois fois plus de travaux que leur création? Car pendant ce premier période la commission des écoles de Dorpat n’avait que la moitié d’un secrétaire et un seul copiste. Les nouveaux statuts lui donnent un secrétaire entier et deux copistes. Il a fallu depuis ajouter le troisième copiste et l’on est en ce moment forcé d’engager encore trois copistes extraordinaires, un pour cette même commission, deux pour les autres chancelleries de l’Université; le Recteur et le Curateur même sont écrasés de travail et ne peuvent plus suffire aux expéditions, et ceux des professeurs, que leur malheur a jetés plus spécialement dans les affaires, se voient forcés de s’éloigner, de négliger leur vocation principale pour vaquer à des occupations qui ne devraient servir que de moyens, mais qui par leur multiplicité engloutissent le but.
Mais ce n’est pas tout: la perte du temps voué à tant de riens est encore le moindre mal. L’Université voit constamment le glaive de la responsabilité suspendu sur sa tête pour peu qu’elle s’écarte de quelques-unes de ces inutiles formes. L’effet ne peut être autre que de faire de la crainte le mobile de nos actions, c.à.d. nous paralyser moralement, après que nous avons travaillé 20 ans par zèle, par amour du bien. <Et si l’on peut reprocher à l’Université de Dorpat, dans un période de 19 ans, la mauvaise conduite de quelques individus2, quelle est la société à laquelle on ne puisse faire le même reproche, et quelle société a mis plus de zèle à se défaire des mauvais sujets qui s’étaient glissés dans son sein?>
Mais on objecte
1) Que le travail, si on le partage entre 25 ou 30 professeurs, se fera facilement.
2) Que les autres Universités russes se soumettent sans murmurer à ces formes que Dorpat trouve si onéreuses.
On répond à cette première objection que tout professeur ne peut pas être homme d’affaires, que rarement on voit réunis les talents pour les sciences et pour l’administration, et que par conséquent tout le travail administratif retombe sur un petit nombre <de ceux qui, doués d’un talent éminent, feraient le plus d’honneur à l’Université par leurs travaux littéraires si on leur en laissait le temps>. Mais outre ceux-là <dont le nombre se monte à 7 ou 8> seize professeurs, tous ceux qui ont un institut scientifique à soigner, tel que les trois instituts cliniques, les cabinets d’anatomie, d’histoire naturelle, de physique, de chimie, d’astronomie etc., se trouvent également gênés par la minutie des formes jusques dans le sanctuaire même de leur science, où cette gêne outrée flétrit tout. L’auteur de ce mémoire croit avoir le droit de toucher cette corde délicate, n’ayant pas témoigné moins de zèle pour les affaires que pour sa science et avouant aujourd’hui que sous les circonstances présentes il est impossible de servir ces deux maîtres.
Quant à la seconde objection, la réponse est bien simple: Dieu préserve l’Université de Dorpat de devenir ce que les Universités de Moscou, de Charkoff et Casan sont, qui au reste eussent mérité un meilleur sort! Mais le pédantisme des formes, s’il continue, amènera cette ressemblance.
L’auteur de ce mémoire est bien éloigné de vouloir bannir toutes les formes. Les formes sont nécessaires partout, dans les affaires publiques et privées. Mais elles doivent avoir un but, autre que celui de leur propre existence; elles doivent être calculées uniquement sur le but de l’institut auquel elles doivent servir et non engloutir ce but. L’eau est salutaire, nécessaire à l’homme, mais une inondation noie des villages entiers, désole des provinces.
On a paru sentir cela et le Ministère