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Votre Parrot
205. G. F. Parrot à Alexandre IER
Dorpat, 19 mars 1822
Sire!
Lorsque, le 15 de ce mois j’eus l’honneur de soumettre à V. M. I. mes idées en gros sur l’instruction publique de Votre Empire, je n’imaginais pas que, 24 heures après, les justes craintes que l’administration actuelle de cet important département m’inspirait, se trouveraient déjà réalisées d’une manière si éclatante. Ma conscience m’oblige, Sire, de Vous dénoncer un projet de réforme totale de l’instruction publique, imaginé par Mr. le conseiller d’État actuel de Magnitzky. Je sais qu’en attaquant ce projet j’attaque un homme puissant et par contrecoup le Ministre même qui veut faire sanctionner ce projet1. Mais lorsqu’il s’agit de l’instruction publique et de la gloire du règne de V. M. I., je ne connais pas le danger. Condamnez-moi, Sire, par quelque raison que ce soit, mais daignez lire d’abord la traduction littérale du rescript forcé de notre honnête et fidèle Curateur au Conseil de l’Université, puis mes observations basées sur la copie <russe> allemande ci-jointe du projet de Mr. Magnitzky, envoyée par le Comte Liewen à l’Université de Dorpat.
<On s’est souvent plaint de ce que les hommes puissants en Russie oppriment Vos sujets non russes. Moi je veux arracher la nation russe à l’opprobre auquel les hommes puissants de la Russie veulent la condamner.>
Je ne suis plus en possession <V. M. I. m’a frustré> du droit précieux que Vous m’aviez accordé autrefois <et dont je n’usai jamais que pour le bien de Vos sujets et l’honneur de Votre règne> de Vous écrire en particulier. Mais il est des bornes à tout et je me croirais criminel envers Votre Personne sacrée que je chéris toujours <à mon ancienne manière> comme autrefois <et envers mes devoirs de membre de l’instruction publique>, si cette considération m’empêchait de Vous découvrir l’abîme au bord duquel <Vous Vous trouvez> se trouve l’instruction publique de l’Empire et que l’on prend tout de soin à Vous cacher. Disposez, Sire, de moi comme Vous voudrez, mais entendez encore une fois la vérité par ma bouche, cette vérité qui pendant 10 ans a retenti dans Votre noble cœur.
Votre immuable Parrot
Annexe
Sur le mémoire de Monsieur le conseiller d’État actuel de Magnitzky, Curateur de l’arrondissement de Cazan concernant une réforme des écoles
Il résulte de cet examen que les causes du peu de progrès des écoliers indiquées par le Curateur de l’arrondissement de Casan ou n’existent pas, ou sont insuffisantes pour expliquer ce défaut presque absolu, qui lui-même ne peut pas exister. Il en résulte également que les causes indiquées de l’éloignement de la nation russe pour l’instruction n’existent pas, d’autant plus que cet éloignement n’a pas lieu. Au contraire tous les étrangers qui connaissent la Russie s’accordent à dire que le Russe s’instruit volontiers et facilement et qu’il ne lui manque à cet égard que la solidité dans l’instruction, le principal objet auquel le Ministère devrait viser. Ce jugement des étrangers, porté sur l’aptitude et la bonne volonté du Russe à s’instruire, se confirme évidemment par les nombreuses et riches donations faites par des particuliers et par les corps de noblesse aux universités et aux écoles, preuve éclatante de l’amour de la nation russe pour l’instruction qui contraste singulièrement avec le fait que dans les provinces baltiques rien de pareil n’a eu lieu. On sait au reste, sans souscrire pour cela aux assertions outrées de Mr. Magnitzky, que les écoles russes ne sont rien moins que florissantes, et c’est ici le moment d’en chercher les vraies causes.
Si l’on considère les progrès des écoliers, il faut distinguer les progrès apparents des vrais progrès. Les premiers ne manquent sûrement pas et je les ai retrouvés dans les écoles russes de Riga et de Reval qui rangent sûrement dans la classe des plus mauvaises écoles russes. Les vrais progrès par contre seront beaucoup plus rares. Mais la cause n’en réside pas dans l’éloignement de la nation pour l’instruction. Cette cause se retrouve dans le mécanisme qui s’est emparé de l’instruction, mécanisme qui met la mémoire beaucoup plus en réquisition que le jugement.
Si