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Que dire au général de cette instruction? Rien. Car si ces faits ne parlent pas, tout le reste est inutile. Par contre c’est ici le moment d’examiner de près la nature de ces Directeurs qu’on donne aux universités.
Le Directeur n’est ni subordonné ni préposé au Recteur. L’université a donc deux chefs; c’est le serpent à deux têtes de la fable qui ne passera pas la haie qui sépare la littérature russe de celle du reste de l’Europe. Il n’est dit nulle part qu’il doive être un savant; mais il est clair que ce doit être un homme pieux. Or le Curateur ou le Ministre qui le choisit est-il infaillible? Et s’il choisit un hypocrite (ce qui se passe sous nos yeux prouve assez combien cette erreur est commune) quel mal cet homme ne pourra-t-il pas faire, revêtu de tant d’autorité, tenant dans sa main la direction de l’économie, de la discipline, des mœurs et même le sort des professeurs! Trop petit pour faire du bien, assez grand pour faire tout le mal qu’il voudra, il ruinera le vrai esprit des lettres, le zèle pour les devoirs et même la piété. Étranger à l’université, parce qu’il n’est pas homme de lettres et ne peut l’être s’il veut faire son métier et parce qu’il ne dépend pas de l’université mais uniquement des supérieurs, il ignorera ou voudra ignorer et les ménagements que les sciences exigent et les égards dus au savant. Enclin à faire sentir son autorité, désirant se faire valoir auprès des supérieurs, n’ayant d’autre but que de faire aller les affaires pour l’extérieur et fournir au Ministre annuellement des milliers de numéros de chancellerie pour prouver son zèle et ses soins, il opprimera les professeurs, vexera le Recteur et pourra aller, en vertu des formes, jusqu’à lier les mains au Curateur, et à coup sûr il sèmera la défiance entre ce vrai protecteur de l’université et ses membres pour se faire valoir. Le Curateur, s’il a le vrai esprit de sa place (voyez celui de Dorpat!), est aimé et respecté. Mais le Directeur, placé comme un mauvais esprit entre le Curateur et l’université, réunira sur sa personne ce que l’on ne voit que rarement réunis, le mépris et la haine. C’est en vain qu’on a voulu persuader l’Empereur qu’on trouvera pour chaque université un phénix qui résistera aux séductions de sa place; ne pouvant faire que du mal, il fera ce qu’il pourra. L’expérience a déjà prononcé là-dessus à Casan et à Pétersbourg6. Le bien qui peut se faire se fait par le Curateur. O! Si cet Empereur magnanime daignait revoir encore une fois son Université de Dorpat, l’aspect de cet institut, le sentiment agréable qu’Il éprouverait involontairement au milieu des trésors de la science que Sa libéralité y a accumulés, entouré de la reconnaissance des professeurs qui voient en Lui leur père et leur appui, son cœur seul Lui dirait comment les universités doivent être dirigés.
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Il a été souvent question de la Religion dans ce coup d’œil, de ce sentiment sacré qui doit pénétrer l’homme dans toutes les situations de la vie et surtout échauffer l’âme de celui qui ose entreprendre de former des hommes. Mais dans quel état se trouve aujourd’hui cette fille du Ciel dans l’Empire russe? – Ce n’est ni un Protestant, ni un Catholique, qui parle ici; c’est un Chrétien qui gémit de voir le Christianisme devenu une Religion de cour.
L’Empereur Alexandre a toujours eu des sentiments religieux, au milieu d’une cour en même temps superstitieuse et athée. Dans les premières années de Son règne Il a pressé sur Son cœur ému un homme de lettres qui lui dit avec vérité: Je crois en Dieu et à Jésus-Christ. La victoire de Leipzig enflamme Son âme pure7. Sentant intérieurement le secours de la Divinité et fort de ce sentiment sublime, Il proclama avec enthousiasme le Dieu sauveur de l’Europe sur le champ de bataille, fit le vœu de relever la Religion encore plus écrasée que l’Europe et fonda la Sainte Alliance espérant (mais vainement) trouver dans les autres têtes couronnées un sentiment analogue au sien. Dès lors on vit la cour et l’administration devenir dévotes; et pour couvrir la honte de la vie passée on décréta que, plus on avait péché plus on devait être réputé pieux, parce que la Grâce s’attache de préférence aux grands pécheurs. Dès lors on vit des hommes, jusqu’alors méprisés généralement par leurs vices, s’ériger en Saints et préférés aux hommes intègres et vraiment religieux qui ont pour eux une vie entière morale et chrétienne sans affectation ni hypocrisie. Pour comble de mal, le seul homme de la cour vraiment pieux (le comte Charles de Liewen), qui pût s’opposer à ce torrent d’irréligion et de bassesse, commit la faute d’être trop orthodoxe, de s’isoler en combattant le clergé protestant et de précipiter par là son éloignement des affaires religieuses qu’on lui préparait depuis longtemps pour se défaire de son incommode vertu. On fit plus: on amalgame la Politique à la Religion et fit de celle-ci le valet de celle-là en lui faisant prêcher, le fouet à la main, la soumission comme la première vertu chrétienne: ruse de vieille date et très connue, mais toujours puissante. L’Empereur Alexandre avait délivré l’Europe de la tyrannie d’un seul et donné à la Pologne une constitution; mais en Russie la Religion fut chargée de rendre esclaves les âmes des Russes, esclaves sous un Prince qui veut régner sur des hommes et non sur des machines, qui dit un jour à l’auteur de ce coup d’œil: Je ne veux pas que l’instruction publique énerve le caractère de la jeunesse, ni avoir les lâches au service de l’État. Il n’est pas de perversité si terrible, si destructive de tous les principes de monde profane et chrétienne, que celle qui provient de