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Tels sont, Sire, les rapports de l’homme à l’homme lorsqu’il a conservé le précieux trésor de son innocence. Il reconnaît ses semblables, se sent attiré vers eux et est repoussé par le méchant. Tel êtes Vous; permettez-moi de Vous prier de rester tel. Employez Votre raison à juger de la raison, des talents, en général du mérite intellectuel, mais réservez à Votre cœur, à Votre propre moralité, le soin de juger du cœur, de la moralité d’autrui. Alexandre le macédonien n’eût pas pris la médecine suspecte s’il n’avait consulté que sa raison dans ce moment important. Que pouvait-elle lui dire en faveur de l’ami s’il eût cru à la possibilité d’une trahison de sa part? Alexandre s’abandonne au sentiment, jette un regard sur l’ami en lui donnant la lettre et boit la coupe, et justifie par cette action le titre de grand qu’il tient de la flatterie ou de l’inconséquence des historiens; il prouve du moins qu’il était capable de quelque chose de mieux que de dévaster des provinces4.
Ma lettre est devenue un traité. Mais le sujet me fera pardonner cette longueur. Il n’est point d’indulgence, Sire, dont Vous ne soyez capable, et je n’ai pas l’ambition de ne pas vouloir être l’objet de la Vôtre, heureux d’être sûr de l’obtenir.
Ma femme a été comme moi infiniment sensible au souvenir gracieux dont Vous l’avez honorée, et rien ne manquerait à la jouissance qu’il lui cause, si elle ne nourrissait depuis le départ des tricots la crainte d’avoir déplu à S. M. l’Impératrice en osant les Lui adresser directement. C’est la première fois que sa main timide traçait des lignes pour une Impératrice.
Le sacrifice que je devais à ma parole est consommé. Je ne possède plus que les cendres de Votre lettre. Sire, est-ce un présage que cette lettre sera un phénix? Je ne Vous dirai pas que mon cœur le désire. Vous savez que ce désir est au-dessus de toute expression. Il découle si naturellement des sentiments que je Vous ai voués. Ne regrettez pas de régner sur mon cœur.
Parrot
19. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg, à la veille du 4 juillet 1803]1
Sire!
Lorsque Vous daignâtes me donner l’assurance que j’aurais le bonheur de Vous voir, je n’avais d’autre intérêt que de satisfaire un besoin de mon cœur. Être si près de Vous, passer presque chaque jour sous Vos fenêtres, et ne pas jouir quelques instants de Votre présence est un sacrifice que je n’aurais pas eu la force d’apporter à l’emploi de Votre temps. Je comptais d’ailleurs que le peu de minutes que Vous m’accorderiez ne serait pas perdu pour l’État. Ces instants me fortifient dans l’observation des mes devoirs. Aujourd’hui je suis forcé de changer quelque chose à ce plan et d’y faire entrer quelque intérêt de ma part. L’objet de ma mission exige que quelques idées que je dois présenter samedi matin à la Commission générale des écoles soit auparavant offertes à la délibération de V. M.2 Il n’est pas question, Sire, d’employer Votre autorité entre la Commission générale et moi. Nous sommes d’accord presque sur tous les points; la Commission et surtout le Ministre paraissent n’être que satisfaits de ma mission. Mais il est quelques points sur lesquels la Commission générale hésite de prononcer et sur lesquels elle ne se croit pas à même de faire des représentations officielles à V. M.
J’ai pris tacitement sur moi de prier V. M. de s’expliquer sur ces points, et d’informer le Ministre et les principaux membres de la Commission générale immédiatement avant la séance pour pouvoir tout terminer dans cette séance et me renvoyer dans le courant de la semaine prochaine, renvoi indispensable pour mettre l’université au courant de l’ordre au commencement du semestre prochain qui est au 1re Août.
Sire, ne Vous étonnez pas de ma hardiesse. C’est Vous-même qui me l’avez inspirée. Elle doit Vous prouver (si tout est que Vous eussiez besoin de preuves) que quand quelques fois je Vous parle de Vos vertus ce n’est pas le langage de l’adulation, mais celui du cœur, d’une persuasion inébranlable. Il n’appartient qu’à Vous d’inspirer une telle confiance, et tous mes vœux vont à la justifier. Sire, je brûle de désir de Vous voir, pour la chose publique et pour ma jouissance.
Parrot
20. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 6 juillet [1803]1
Sire,
Permettez-moi de satisfaire à un besoin pressant de mon cœur de Vous parler de mes sentiments pour les bienfaits que Vous m’avez accordés hier. Hier je ne l’ai pas fait pour qu’aucun motif étranger à la belle cause que je Vous présentais ne put paraître avoir influé sur Vos résolutions. Vous avez agi en homme qui aime les hommes avec passion. Vous m’avez promis ce qui paraissait impossible et qui n’est possible qu’à Vous. <Vous avez surpassé l’idée que Vos Ministres ont de Votre cœur qu’ils sont si à même de connaître.>
Alexandre! Aujourd’hui je puis Vous dire ce que hier je n’eusse pu dire sans commettre un espèce de crime. Hier Vous avez fait pour Votre gloire plus que tout ce qui a précédé. L’établissement des écoles de paroisse est la pierre de touche à laquelle les contemporains et la postérité jugeront de la vérité de Vos sentiments2. Tout ce que Vous