litbaza книги онлайнРазная литератураКафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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à Votre Empire.

Je Vous donne des conseils! Précisément parce que je sens mes imperfections, parce que je sens combien je suis éloigné de l’idéal que je n’atteindrai jamais. O Alexandre! Vous voyez jusqu’où je veux que mon idole s’élève.

Je Vous ai demandé une lettre. Vous me l’accorderez. Vous répondrez au contenu de celle-ci et à celle du 12 décembre. Votre peuple ne saura jamais rien de cette correspondance mais s’il la connaissait, il me pardonnerait sûrement de lui avoir ravi quelques instants de Votre existence. Si Vous aviez besoin d’un motif étranger pour Vous déterminer, je le trouverais dans Votre justice; Vous avez accordé des récompenses à tous ceux qui ont travaillé dans la cause des paysans de Livonie. J’y ai aussi travaillé; permettez-moi donc, après coup, d’être intéressé, et de Vous demander ma récompense.

Vivez heureux! C’est le vœu le plus cher

de Parrot

28. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, [19 mai 1804]

le surlendemain de Votre départ 1

Sire,

Je voulais Vous écrire hier matin, mais cela ne m’a pas réussi. Les deux heures de solitude matinale que j’ai tous les jours se sont passées à penser à Vous; ma plume n’allait pas. – Elles n’ont pas été perdues, ces deux heures. J’ai passé en revue les instants de cette heure délicieuse que Vous m’avez donnée, et j’en suis devenu meilleur. Jouissez de ce triomphe, le plus beau que je puisse Vous donner. Mon amour pour la vertu est devenu plus pur; j’ai plus d’empire sur moi-même; j’espère vaincre un jour cette impatience du bien qui me dévore, qui tient à l’égoïsme plus de près qu’on ne pense peut-être; Vous m’avez appris cette vérité le 16 mai. Voyez si j’ai raison de Vous aimer, de Vous croire meilleur que je ne suis. Ne craignez pas de partialité dans mes jugements sur Votre personne; lorsque j’aurais des raisons de Vous soupçonner un défaut, comptez bien sûrement que je Vous en avertirai, avec une rigueur proportionnée à la vivacité de mon attachement; je veux que mon idole approche de mon idéal d’aussi près que la nature humaine en est susceptible. Alexandre! je suis heureux de pouvoir Vous aimer de cette manière. Vos doutes sur cette possibilité ne m’ont pas ébranlé, et s’ils avaient eu ce funeste effet, une femme du peuple que la foule étouffait à Vos côtés m’eût guéri radicalement. Étouffez-moi, s’écrie-t-elle, j’ai pourtant vu mon Empereur. – Reconnaissez la sublimité de cet instinct dont la nature nous a donnés. Si cette femme ne Vous avait pas vu, si une Majesté froide avait frappé ses regards, elle eût crié au secours. Oui nous possédons ce talent de reconnaître notre semblable sans le connaître. Notre âme n’attend pas les calculs de la lente expérience pour se porter vers l’homme dont le regard, dont toute l’expression atteste la sensibilité et la candeur. – On m’a fait mille questions sur ce que Vous avez dit dans Votre longue tournée sur nos remparts2. Je n’avais presque rien à répondre, et je m’en félicitais secrètement. Alexandre! Vous étiez plus occupé de Votre peuple que de nos bâtiments, voilà ce que le peuple sent, voilà ce que je sens parce que je suis, grâce à la providence, encore peuple sur cette matière.

Je suis très heureux, par Vous; je compte l’être toujours, parce que mon bonheur dépend de mes sentiments et non pas des Vôtres. Vraisemblablement je ne pourrai pas remplir les conditions que Vous mettez à Votre attachement; je ne pourrai pas toujours monter sur l’échelle de Votre estime; la nature humaine s’élève, il est vrai, avec les années comme les siècles, mais elle est sujette à des baisses temporaires dans l’individu comme dans l’espèce. J’attends ces baisses de Votre part, il est vrai bien rarement, mais je les attends cependant, et elles ne diminueront en rien le tendre, l’indestructible attachement que je Vous ai voué.

Adieu, mon héros! Le ciel Vous conserve.

29. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 4 juin 1804

Sire,

Le sujet de cette lettre n’est pas de ma compétence. Ainsi de règle je devrais me taire. Mais si par délicatesse je négligeais un devoir supérieur, ce serait Vous trahir, et cela par intérêt, puisque au bout du compte nous ne négligeons nos devoirs que par égoïsme.

Il se répand des bruits de guerre, et la conjoncture présente leur donne de la vraisemblance. La Russie va faire marcher contre la France; on dit même qu’elle <la Russie> veut forcer la Prusse à se déclarer. Je ne crois point à la seconde partie de ce bruit. Ce serait de la politique d’autrefois. Vos principes sont différents de ceux de Votre célèbre Aïeule. Vous étendrez Votre Empire personnel sans dominer Vos voisins.

Mais la guerre contre la France est plus tôt dans le rang des possibles. Je connais, il est vrai, trop peu les raisons qu’on peut alléguer pour Vous y engager ou celles que Vous pouvez avoir de Vous y décider. Mais ce que je sens, c’est que deux pays qui sont à de si énormes distances l’un de l’autre ne sont pas destinés par la nature à se faire la guerre, et si la politique le veut en dépit de la nature, c’est toujours l’agresseur qui est puni d’avoir rompu la barrière. Ménagez-Vous l’avantage d’être attaqué. La guerre n’est pas une bataille. Laissez au César des français la peine de faire 1400 Werstes pour Vous trouver; il sera alors toujours assez temps de le battre, si toutefois les armées françaises ont encore reste de l’ancien enthousiasme pour la liberté à prodiguer à la petite vanité de leur despote.

S’il attaque Vos voisins et que la foi des traités Vous lie, Vous avez raison de Vous montrer allié fidèle, mais si les coalitions ont jamais été bonnes à quelque chose, c’est pour la défensive, et en ceci l’histoire met le sceau en principe de morale, que les traités d’alliance ne doivent avoir lieu que pour la défense. Reconnaître un nouvel Empereur ou ne

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