litbaza книги онлайнРазная литератураКафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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Vous m’avez donnée de Vous écrire. Le conseiller Sivers a exécuté l’ordre de V. M. Il m’a dit que Vous êtes affligé de voir que l’Université donne des sujets de plainte et m’a nommé le sujet en question; il m’a de même fait part de tout ce que Votre cœur paternel a ajouté de consolant pour nous. Ainsi donc la guerre sourde, que nos ennemis nous ont jurée depuis deux ans ne cesse pas. Les insinuations malignes et fausses continuent pour lasser enfin la bonté, la générosité, avec laquelle Vous daignez nous protégWer. Le projet de faire transporter l’Université ailleurs, si adroitement conçu pour ruiner cet institut naissant, existe encore, on y travaille avec ardeur, et cette dernière plainte est une démarche qui ne peut avoir d’autre but.

Sire! Comme je ne suis pas membre du tribunal de l’université, je me suis fait donner les actes sur l’affaire en question2. Je les ai sous les yeux; permettez que je Vous en donne un extrait succinct. Je réponds de la fidélité de cet extrait par tout ce que j’ai de cher en monde.

Le soir sortis du concert quelques étudiants rencontrent sur le pont deux garçons ouvriers qui chantaient des chansons d’étudiants (il existe de pareilles chansons). Les étudiants adressent la parole aux ouvriers et leur disent qu’ils ne doivent pas chanter ces chansons, parce que comme il est défendu aux étudiants de chanter dans les rues le blâme en retombera sur les étudiants qu’on prendra pour ceux qui ont chanté. Les ouvriers répondent avec aigreur, les étudiants de même. Un ouvrier lève un bâton sur un étudiant, celui-ci terrasse l’ouvrier; les étudiants se retirent. Le moment d’après un des étudiants qui en reste n’avait pas pris de part à querelle repasse le pont. Les garçons ouvriers qui étaient restés sur le pont l’attaquent de sorte qu’il se voit en danger d’être jeté dans la rivière; il crie au secours; ses camarades retournent et le délivrent. Alors les étudiants appellent la garde pour faire arrêter les ouvriers. L’officier de ronde arrive avec une patrouille qui entoure les assistants. Il s’informe du cas et comme les étudiants parlent mal le russe, ils ont de la peine à se faire entendre. L’officier emmène ouvriers et étudiants à la garde. Ceux-ci tâchent de lui faire entendre qu’il doit les mener chez le Recteur selon les lois de l’Université. Un bourgeois qui se trouve là par hasard sert d’interprète. Pendant ce pourparler et chemin faisant vers le corps de garde un des étudiants se sert du mot Brat en parlant russe à l’officier. Celui-ci se fâche et se sert du mot le plus sale de la langue russe. L’étudiant lui reproche de ce qu’il se permet cette injure; alors l’officier prétend que c’est l’étudiant qui l’injurie. Un professeur qui sait le russe arrive par hasard, entend la dispute et veut en vain calmer l’officier qui lui dit des malhonnêtetés; cependant il n’arrête que les garçons ouvriers qu’il fait conduire à la police de la ville.

L’officier se plaint au Général d’avoir été insulté et saisi à la poitrine par les étudiants. Le Général demande satisfaction à l’Université et exige que les étudiants soient punis comme perturbateurs de repos public. Notre tribunal instruit sur le champ l’affaire. L’officier avait cité le bourgeois qui avait servi d’interprète comme témoin de ces insultes. Ce bourgeois donne par écrit son témoignage dans lequel il déclare que le bruit ayant attiré beaucoup de personnes, la foule gênait la marche de la garde, et explique la querelle au sujet du mot Brat comme ci-dessus, sans déposer la moindre chose d’insulte verbale ou réelle envers l’officier.

Le tribunal non content de cette déposition interroge les deux ouvriers arrêtés sur le point de l’insulte faite à l’officier de garde. Ceux-ci, quoique ennemis des étudiants, déclarent formellement n’avoir rien entendu ni vu de pareil à ce dont l’officier s’est plaint.

Le tribunal fait part au Général du résultat de l’instruction de ce procès. Celui-ci insiste sur la punition des coupables pour avoir troublé le repos public, insulté l’officier de S. M. I. et manqué de respect à la garde. Le tribunal ne pouvant juger que sur les faits avérés porte la sentence suivante: Que les deux étudiants qui ont été les auteurs de la rixe avec les garçons ouvriers, malgré les excuses qu’ils ont alléguées, seront mis en prison pendant deux fois 24 heures. Qu’il sera affiché à la table noire une publication sévère concernant le respect que les étudiants doivent au militaire en général et surtout à la garde de S. M. I. Et que l’Université portera plainte au Magistrat relativement à l’attaque que les ouvriers se sont permise après coup contre l’étudiant qui n’avait point pris de part à la querelle.

La publication porte qu’à l’occasion de la plainte du Général l’université enjoint à tous les étudiants sous les peines les plus sévères de ne se plus jamais permettre dans des cas pareils aucuns pourparlers avec l’officier de garde, mais de faire sans mot dire l’ordre de l’officier, de respecter en tout point ce que la garde fera et de s’en rapporter pour les suites aux soins du recteur.

Voilà le fait, Sire, simplement énoncé; il n’a pas besoin de commentaire. Vous jugerez s’il méritait un rapport quelque officiel ou privé au Monarque de la Russie, dont chaque instant est voué au bien public.

Mais Vous espériez que l’Université Vous épargnerait ces désagréments, saurait prévenir ou éviter les occasions de ces plaintes de nos ennemis. Sire! D’après les bienfaits innombrables que Vous nous avez accordés et que sûrement Vous nous accorderez encore c’est le vœu le plus cher de notre cœur. Mais est-il possible de tout éviter, entourés comme nous le sommes?

On relève la moindre polissonnerie de tel ou tel étudiant et on l’importe à tous, on falsifie les faits ou aggrave ce qu’ils peuvent contenir de vrai. Il n’existe point de police à Dorpat. Ce qui en porte le nom n’en a point l’effet faute de moyens. Nous nous

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