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Sire! La guerre sourde qu’on nous fait ne cessera pas de sitôt. Ce n’est pas tel ou tel acte de l’Université dont on veut se venger, mais de l’esprit de l’Université. Nos étudiants prennent cet esprit; ils connaissent les droits de l’homme et les respectent. L’un d’eux par ex. était il y a un an un simple Lette, l’esclave d’un gentilhomme livonien. Ce simple Lette, quoiqu’a pas encore pris le ton des sociétés raffinées est traité avec amitié, avec des égards marqués de tous des étudiants, nobles et bourgeois; plusieurs d’entre eux même se sont retranchés de leurs aucuns plaisirs pour lui donner des secours d’argent dont il avait besoin à son arrivée ici. Voilà le crime de l’Université, le crime des étudiants, celui que la génération présente ne pardonnera jamais.
Je m’effraie de la longueur de cette lettre. Mais, Sire, accordez-moi encore quelques instants. L’Université a reçu les Statuts pour les gymnases, les écoles de district et les écoles de paroisse que Vous avez confirmés3. Quant aux deux premiers genres d’écoles il suffira de quelques modifications pour notre local, qui seront présentés à Votre sanction. Mais pour les écoles de paroisse – ce règlement n’est pas praticable ici. Il est apparemment dans les provinces proprement russes, mais il n’est nullement calqué sur la situation physique, morale et civile de notre paysan. L’expérience a déjà prouvé que ces mesures sont sans effet; l’Impératrice Catherine en avait déjà pris de pareilles. L’autorité ne peut pas percer jusqu’an fond de ce labyrinthe. Cet objet est de la dernière importance; c’est de lui que dépendra le succès de toutes les mesures que Vous avez prises pour arracher le malheureux livonien et estonien à l’oppression arbitraire. Permettez-moi, Sire, de m’appuyer sur un principe qui paraît être celui de toutes Vos actions. Les lois d’un Monarque ne vivent qu’aussi longtemps que lui et que là où il en observe l’application, il s’en tient à de simples ordonnances. Ce n’est qu’en agissant puissamment sur l’esprit de la nation qu’il peut leur donner le caractère de l’immortalité et de l’universalité. C’est dans cet esprit de la nation qu’il doit trouver les barrières insurmontables contre les prévarications de la postérité et des individus que leur obscurité soustrait à sa vue. C’est dans ce sens, Sire, que nos écoles paroissiales doivent être fondées et entretenues. C’est de leur sein que doivent sortir les tuteurs des paroisses, les maîtres d’école et surtout les juges des communes4. Si elles ne sont pas fondées de cette manière, tous ces emplois, surtout le dernier, deviendront méprisables comme ils l’étaient sous l’impératrice Catherine, et alors le boulevard du bien-être du cultivateur est détruit, le seul boulevard que l’autorité impériale puisse élever contre le despotisme des particuliers.
Sire! Je m’irrite moi-même de mon éternelle importunité. Mais daignez Vous souvenir que je ne sais être importun que pour la chose publique. Il serait assurément plus décent que de tant de bienfaits dont Vous nous avez comblés, de tout le bonheur que Vous avez versé dans mon âme, je me bornasse à la reconnaissance. Mais ce serait Vous trahir, et quoiqu’il m’en coûte de Vous importuner par tant de prières, tant que mon devoir parlera, et tant que Vous me le permettrez, je les répéterai jusqu’à ce que le but sublime que Votre cœur Vous a inspiré d’atteindre sera atteint. Vous ne Vous lasserez pas. Vous aimez les hommes, et cet amour Vous fera supporter jusqu’à la fin et les tracasseries des ennemis de la chose publique et les importunités de ses amis.
Demain est votre jour de naissance. L’année dernière je le célébrai dans un recueillement, pénétré de sentiments que je n’avais jamais pas encore éprouvé5. Cette fois-ci je le passerai dans un état pénible d’incertitude. Vous n’avez pas encore daigné me faire savoir si Vous me permettez de venir à Pétersbourg.
Le ciel Vous comble de ses faveurs! C’est le vœu le plus cher, le vœu perpétuel de
Parrot
Annexe
G. F. Parrot à prince A. Czartoryski
[Dorpat, 11 décembre 1804]
Monsieur le Prince!
Un ordre de notre Monarche chéri, sur lequel je Lui dois un rapport sans délai, me force de Vous importuner une seconde fois. Veuillez ajouter à tant de services celui de remettre au plus tôt l’incluse à son adresse et d’accepter l’hommage de mes sentiments de respect et de reconnaissance.
Parrot
34. G. F. Parrot