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Jetez un coup d’œil, Sire, sur Vos relations étrangères, et Vous sentirez que le plus grand génie ne peut faire tête à tant de moyens réunis, au sang froid calculateur de l’Angleterre, à l’astuce du Prince de Metternich, aux profondes machinations du cabinet de Versailles. Je ne nomme pas la Prusse. Voisine de la Russie et paralysée par son rétablissement dans les provinces du Rhin, elle louvoie comme elle peut, écrasée sous le rôle que Frédéric II lui a légué <et est secrètement du côté de Vos soi-disant alliés>. Mais toutes ces trames ne sont qu’une toile d’araignée que Vous déchirerez facilement en rentrant dans Vos véritables intérêts, en parlant le langage de Vos propres principes, qui ne sont pas du goût de Vos alliés. J’espère, Sire, que Votre bon cœur ne Vous séduit plus à croire à l’amitié de Vos confrères, qui n’a jamais existé réellement et, fût-elle même vraie (et elle ne le fut jamais, la faiblesse <d’un Français et d’un Frédéric-Guillaume4> de ces Messieurs ne pouvant jamais s’amalgamer avec <l’énergie d’un Alexandre> Votre vigueur), cédera toujours et doit céder aux intérêts de la Politique.
Les Grecs – Vous Vous étonnerez peut-être que j’aie pu Vous écrire presque deux pages sur Vos relations politiques sans les avoir nommés – les Grecs réclament Vos secours5, comme hommes, comme nation antique, comme chrétiens et chrétiens grecs <du rite grec>. Ce triple appel nominal à Votre cœur Vous a sûrement touché et cependant Vous les avez abandonnés, au point de ne pas recevoir leurs députés! Mais leur affranchissement créait à l’Angleterre une rivale dans la Méditerranée, une rivale qui dans vingt ans le serait sur toutes les mers; mais cet affranchissement opposerait à l’Autriche un voisin dangereux qui l’eût inquiétée dans ses rixes futures avec la Russie; mais cet affranchissement serait un démembrement de la Turquie en vertu duquel cette puissance cesserait d’être une épine dans Votre chair lors d’une guerre quelconque et ôterait à la France l’espoir qu’elle nourrit toujours d’influencer sur les affaires du Levant. – Ainsi ce n’est pas le principe de la légitimité qui Vous a engagé à faire violence à Votre sentiment naturel et à sacrifier Vos intérêts; c’est la Politique qui a osé en appeler à Votre justice, après être emparée de Malte, des isles Ioniennes, du cap de Bonne Espérance, de Venise etc.
Au reste ce n’est pas par des rétorsions, méthode indigne de Vous, que je viens plaider la cause des Grecs; c’est au nom du Droit public, de l’humanité, de la Religion que je dois, que je veux parler.
Le Droit, cette règle souveraine en Morale, c’est lui qui doit le premier faire entendre sa voix. Vous êtes, Sire, loin de nier en théorie qu’il existe un degré d’oppression civile et religieuse qu’une nation, subjuguée par des barbares, ne doit plus supporter, sous peine d’être censée mériter son avilissement et ses malheurs. Vous avez reconnu en pratique que la tyrannie des Turcs a atteint ce degré, sans quoi Vous eussiez favorisé le sultan, comme Vous avez favorisé les rois de Naples, de Sardaigne, d’Espagne. En outre les affaires en sont venues au point que le Gouvernement turc a déjà déclaré qu’il exterminera les Grecs ou les transplantera comme esclaves en Asie s’il vient à bout d’eux, et il a raison dans sa barbare morale, parce qu’il ne pourra jamais les asservir à demeure. La manière dont il leur fait la guerre, les massacres tout récents à Ipsara, sont les avant-coureurs de ce qui se fera. Or il n’existe pour une nation si cruellement opprimée que trois moyens de se soulager: l’intercession auprès de ses tyrans, l’intervention des puissances étrangères et la révolte. Le premier moyen a été employé de tout temps infructueusement, et à cet égard on peut, quant aux derniers temps, disculper en quelque sorte le Gouvernement turc qui, s’il eût eu quelque bonne volonté, était trop faible pour la faire agir, le corps des Janissaires le dominant et chacun de ses Pachas levant l’étendard de la révolte quand bon lui semble. Ne pouvant plus contenir les nationaux, comment pouvait-il protéger les Grecs <haïs des Musulmans>? Mais un pareil Gouvernement mérite-t-il l’existence nominale que l’Europe lui a laissée? La faiblesse entraîne la ruine; c’est une loi de la nature, en Physique, en Politique, en Morale.
L’intervention des puissances n’a pas eu lieu, parce qu’il n’y a point de juge là où il n’y a pas de plaignant. Et la plainte <où même l’intercession> auprès des puissances étrangères est un acte de révolte, plus grand et plus dangereux que les efforts directs pour s’affranchir. L’expérience des dernières années a prouvé en outre que les intercessions des puissances <les représentations> étrangères n’ont aucun effet.
Si Vous Vous défiez, Sire, de ces principes de droit public, ouvrez le grand livre de l’histoire où l’assentiment des nations décide en pratique ce qui est de droit. L’histoire moderne nous offre d’abord les grands tableaux de la liberté de l’Helvétie reconnue pendant cinq siècles par l’Autriche même, de l’expulsion des Stuarts qui a fondé la prospérité de l’Angleterre, de l’affranchissement de la Hollande reconnu pendant deux siècles par l’Espagne, de la délivrance de la Russie du joug tartare admirée comme le plus beau moment de l’histoire russe, de la liberté des États-Unis d’Amérique fondée par la France sous Louis XVIe. Est-il, je ne dis pas un écrivain, mais un Monarque, qui révoque en doute la légitimité de ces États, de la Suisse, de la Russie, de la Hollande, des États-Unis, de la constitution anglaise? Ce serait être prolixe, Sire, de vouloir Vous arrêter à tous les événements de ce genre qu’offre l’antiquité. Mais daignez ouvrir la Bible, ce code de la foi et de la morale chrétienne, ce livre sacré que toutes les puissances (le Pape excepté)