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Jeudi 4 Juillet. Nous avons fait une longue promenade à pied avec Hélène — pendant le retour en calèche. Maman m’a dit de réciter à Hélène mes vers sur le bal, que j’ai faits ce printemps. Je m’en défendis d’abord, mais force me fut de céder et de les accompagner du Myosotis et de l’Hirondelle. Je crois qu’ils plurent à Hélène.
Samedi 6 Juillet. Demain le bal! Toutes nos têtes sont pleines de cette idée, on compte et recompte les invités — on lit avec satisfaction les billets, qui acceptent, avec dépit ceux qui refusent. On va voir la Гора Katale ornée d’une multitude de fleurs. Entre les mille distractions de ces jours j’ai trouvé quelques moments à consacrer … à la Muse! Voici ce qui l’a provoqué. Hier la grande-duchesse me ramena du mont Katale. La soirée était magnifique et je ne résistai pas à la tentation de m’établir pour quelques instants sur le balcon pour у attendre le reste de la sociéte, qui revenait à pied. L’air était pur et embaumé des parfums du soir, le ciel serein, la température vivifiante et douce, le silence troublé seulement par les échos des voix de la societé attardée, tout concourait pour pénétrer mon âme d’un sentiment piein de douceur, je levai les yeux vers la voute céleste si calme, si majestueuse de son harmonie grandiose. Je sentis, que si j’étais née poète, ce moment m’aurait inspiré mes plus beaux chants, et je plongeai dans l’intérieur de mon âme, pour en tirer les expressions qui devaient rendre les sentiments que j’éprouvais. Cette nuit encore, j’y rêvai, et ce matin, je mis en ordre mes idées et j’ecrivis:
Plus que l’éclat brillant du jour plein de splendeur
J’aime l’heure douteuse, où la lune projette
De son pâle rayon la rêveuse douceur.
J’aime d’un ciel serein la majesté muette
Et le calme imposant d’un beau soir de l’été
Et j’aime à veiller seule à l’heure où tout sommeille,
A sentir s’élever la douce volupté
Qu’un rêve, une prière en mon âme réveille.
C’est l’heure, où tout repose, où la nature dort,
Seule l’âme s’élève au-dessus de la terre
Oubliant tous ses maux, et perce avec transport
Les voiles ténébreux, pour trouver la lumière.
Le calme de la nuit se répand dans mon cœur,
Je le sens palpiter d’un frisson plein de charmes.
Mon être est traversé par un souffle enchanteur
Qui me fait voir le Ciel, et qui tarit mes larmes.
Et dans mon cœur résonne un son mélodieux,
Car tu descends alors, divine poésie,
Et mon âme en extase en s’élançant aux Cieux
Par un douleureux charme est touchée et ravie!
O! moment plein d’ivresse! ô suave douleur
Qui frappe en tons réveurs, les cordes de ma lyre.
Le cœur sait te comprendre et sentir ta douceur,
Hélas, l’esprit n’a pas de mots pour te décrire!
Je me trouve dans un de ces moments de la vie, où on voudrait la passer à contempler une belle nuit étoilée, à lire des poésies inspirées, à écouter les accords d’une voix s’élançant vers le Ciel, accompagnant le son grave d’une orgue réligieuse; dans un de ces moments aussi où l’on sent le manque dans votre coeur de la plénitude de vie que vous trouvez dans la nature. Oh! s’il était permis à ce coeur de former un désir!.. O doux, mais irréalisable rêve, quitte moi — une sphère étroite est tracée autour de ma vie. Que ma pensée s’y renferme aussi.
8 Juillet. J’ai eu une conversation sur la poésie avec Fredro, dont j’ai infiniment joui. Il a un esprit sérieux et médidatif sous l’apparence comique, dont il l’enveloppe, et je lui trouve beaucoup de charme. Il m’a appris une jolie énigme de Jean Jacques Rousseau dont le mot est Portrait.
Enfant de l’art, rival de la nature
Sans prolonger les jours, j’empêche de mourir.
Plus je suis vrai, plus je fais imposture
Et je deviens trop jeune à force de vieillir.
Le duc est de nouveau parti et pour son retour on prépare une nouvelle surprise.
Samedi 13 Juillet. La grande-duchesse est pour moi d’une bonté qui me touche, je me promène presque tous tes jours avec elle, et nous causons beaucoup. Aujourd’hui, je l’ai accompagnée à une visite qu’elle a faite à la p[rince]sse d’Oldenbourg. Comme je rentrais à pied du pavillion Chinois je vis Hélène à sa fenêtre qui me cria d’entrer chez elle. Je le fis et après une petite causerie, elle me pria de venir jouer du piano à la Кавалерская, où Fredro devait faire son portrait. Comme cela avait été mon intention, je consentis avec plaisir et Fredro dessinant Hélène posant, moi, jouant, et tous les trois causant par intervalles, nous passâmes une heure fort agréable. Après le dîner chez la grande-duchesse, nous fîmes une courte promenade à pied avec Fredro. Tout en causant gaiement, nous depassâmes un banc, sur lequel deux messieurs étaient assis. Nous en étions à quelques pas, lorsque l’un d’eux, un militaire se leva vivement et d’une voix haute s’adressa à nous: „Pardon messieurs et mesdames, faites moi la grâce de vous arrêter un moment“. Un peu surpris, nous fîmes ce qu’il voulait et lui et son compagnon s’approchèrent de nous. Fredro prit la parole et lui demanda ce qu’il désirait: „Je suis aveugle“, monsieur, répondit il, „j’ai perdu mes yeux à la guerre: une pension que la grande-duchesse m’accorde aide à ma subsistance ainsi qu’à celle de ma famille, mais depuis quelque temps j’ai cessé de la recevoir. J’etais