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Lundi 15 Juillet. Enfin, enfin, la surprise prend des formes définies. Voici ce qu’on a arrêté. Premièrement, on aura Mignon de Goethe en trois tableaux. Un air de Beethoven se trouve parfaitement adapté aux délicieuses paroles: „Kennst Du das Land“[352]. — Mignon sera représenté par Hélène Strandman, le barde par Jorry, Wilhelm-Meister par Jean Rumine, dont on ne verra que le chapeau caché comme il doit l’être par les arbres. Sur une estrade un tableau Italien imité du repos de Winterhalter[353], sera formé par la grande-duchesse, m-me Timachef, la c[omte]sse Pouchkine[354], Schérémétieff[355], Sacha et moi en fait de dames et quelques hommes. Dans le second tableau, toutes les italiennes deviendront des statues à l’aide de draps de lit, de gaze roulée autour des cheveux et de force poudre de riz, sur la figure. Un clair de lune doit les éclairer d’une lumière fantastique. Enfin pour le 3-me tableau, la lumière rose de l’aurore remplacera la bleuâtre clarté de la lune, une colline sera simulée par un banc deguisé par un massif de fleurs. C’est l’arrivée des voyageurs qui appellent Mignon vers eux. Les tableaux seront suivis d’une pantomime inventée par Fredro. Une jeune personne (m-me Weymarn) aime et est aimée d’un jeune homme (Fredro), le grand-père (m-r Weymarn) consent à leur union. De joie ils exécutent une danse. La grand-mère (le c[om]te Dmitry Nesselrode) bourrue et grondeuse entre en fureur de les trouver ensemble, elle chasse le soupirant, gronde sa petite fille, bat son mari et finit par avoir une attaque de nerfs. Pour la calmer on fait venir un magnétiseur qui reussit à l’endormir. Alors le rideau du fond se lève et on voit apparaître les songes qui la bercent dans son sommeil en lui retraçant son passé. Le premier tableau la montre enfant (Sacha) jouant avec un compagnon de son âge (Jean Rumine), derrière eux leur ange gardien (la grande-duchesse) les protège et veille sur eux. Puis plusieurs tableaux représentant des scènes de la jeunesse lorsqu’un tuteur barbare veut la condamner à un mariage contre son inclination. Alors elle sera représentée par Hélène. La vieille femme sera réveillée par une sérénade, adressée à sa petite fille et chantée par Sokoloff. La grande-duchesse у répondra pour m-me Weymarn par cette délicieuse romance du c[om]te Vielhorsky „Je ne mens pas“. L’effet en sera charmant. L’influence du rêve amollit le coeur de la vieille mégère qui consent à tout et le résultat final sera une styrienne dansée par tous les personnages, et que la grande-duchesse doit nous apprendre. Pendant toute la durée de la pantomime une musique adaptée au sujet se fera entendre. Voilà le programme detaillé de la surprise qui doit être exécutée après-demain. Nous répétons avec zèle jusque-là.
Samedi 20. Je n’écrirai qu’un mot ce soir. Je reviens de la soirée de la grande-duchesse. On a joué an secrétaire[356], je m’y suis excessivement amusée. On a dit beaucoup de jolies choses, surtout Fredro, la grande-duchesse, le p[rin]ce Wiasemsky et m-r Titoff. Moi aussi j’étais en veine et plusieurs de mes réponses ont eu du succès. Aprés le secrétaire le duc mit le feu à tous les billets. Heureusement que j’ai reussi à en dérober quelques uns. Ceux-là je les garde en souvenir de cette charmante soirèe.
Dimanche 21. Je viens de traverser un moment des plus énivrants, un moment de triomphe de jouissance dont je me rappellerai toute ma vie. Nous dinâmes aujourd’hui à la Кавалерская avec Boris, Jorry et Numers. Le reste de la société avait été engagé chez la grande-duchesse. Aprés le dîner, Boris trouva mes vers sur le bal, que j’avais copiés pour maman et qu’elle avait laissés sur sa table de toilette. S’en emparer, s’enfuir avec ne fut pour lui que l’affaire d’un instant. Le moment suivant me vit courir après lui pour lui enlever le papier. Nous arrivâmes ainsi, moi le poursuivant sur le balcon, juste au moment où la société revenant en bande du dîner de la grande-duchesse passait devant nous. „Comte Fredro, comte Fredro, voulez vous lire les vers de ma soeur?“ — cria Boris à tue-tête. Et dans un moment Fredro attrappait le papier et se disposait à le lire. „C[om]te Fredro, je vous en supplie, ne le lisez pas! rendez-le moi“, — criai-je de toutes mes forces. Mais Fredro ne voulut rien entendre et et se mit à lire tout haut le reste de la société en cercle autour de lui. Je ne